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le cyborgien

Sans snobisme, entre voyage dans le temps et à travers les genres, le Cyborgien tente d'agrandir votre regard.

15 Jan

Desperate Housewives : les amours déçus

Publié par André COTE  - Catégories :  #ABC, #Desperate Housewives, #soap, #Eva Longoria, #Teri Hatcher

 
 
En théorie, la fin d'une série est toujours un moment douloureux pour les téléspectateurs fidèles. Elle marque l'étape où le public assidu doit dire adieu à ses personnages préférés. Elle correspond à la fin d'un cycle, d'un accomplissement pour le héros et son entourage. La dernière aventure porte en elle la lourde responsabilité d'offrir un climax apocalyptique rempli de larmes et de fureur. C'est bien simple, pour les plus accrocs, ce final correspond à l'équivalent d'une fin du monde, le moment où une révélation divine devrait donner un sens à toutes les péripéties traversées précédemment. Du côté des scénaristes et créateurs, nous serions en droit d'attendre une réflexion méta-textuelle pour leur permettre d'achever leur œuvre. Cette ultime touche doit finir de transformer ce qui n'était qu'une petite production télévisuelle en une pierre supplémentaire à la gloire de l'univers cathodique.
 
 
Voilà pour la théorie, mais en pratique, les choses se passent rarement ainsi. Déjà, en raison des conditions de production, la fin d'une série se décide très tard et le cas le plus fréquent est une annulation alors que le fameux dernier épisode est déjà tourné. Celui-ci a, dès lors, l'allure d'une aventure banale ressemblant aux 20 ou 30 précédentes, sans apporter de plus-value. Ensuite, les raisons pour lesquelles chacun suit une série télé diffèrent là aussi. Il n'y pas vraiment besoin d'être particulièrement passionné, il suffit que le feuilleton soit diffusé à un horaire qui correspond à nos habitudes et le tour est joué. Le visionnage du programme, quelque soit sa qualité, équivaut à un choix par défaut, à un vrai bouche-trou dans notre emploi du temps.

Dans la catégorie de ses visionnages pépères, je ranges volontiers Desperate Housewives. Une décision un peu à contre-coeur, mais lucide puisque la série n'est jamais parvenue à remplir les promesses de ses débuts fabuleux. En effet, en 2004, lorsque le producteur Marc Cherry lance les aventures de ses 4 femmes au foyer désespérées (Desperate Housewives en VO donc) il parvient à poser un cadre et des germes susceptibles de faire souffler un vent de fraîcheur à l'industrie  télévisuelle. En quelques épisodes, nous faisions la connaissance d'un groupe de femmes à la trentaine (au minimum) révolue dans la banlieue pavillonnaire de Wisteria Lane. Ici, le cadre de vie semble issu d'un magazine publicitaire tant il semble parfaite. Or, c'est justement ce côté too much qui va être la cible de sa thématique irrévérencieuse et même donner de l'eau au moulin à son aspect sarcastique.
 
 
Dans Desperate Housewives, nos quatre héroïnes représentent les stéréotypes de la femme au foyer : Lynette Scavo (Felicy Huffman) est la mère d'une famille nombreuse ; Gabrielle Solis (Eva Longoria) est celle qui se complaît dans son confort personnel, sans enfant ; Susan Mayer (Teri Hatcher, qui restera à jamais la Loïs Lane de Loïs et Clark) est la mère célibataire, élevant seule une adolescente et Bree Van de Kamp (Marcia Cross) est la conservatrice qui agit comme un despote sur sa famille pour garder l'apparence d'une quiétude feinte. Ce quatuor est posé en tant qu'archétype (ou cliché pour les détracteurs) dans un décor lui-même irréaliste tant il paraît sortir d'une brochure. À ce moment-là, la série était intéressante, puisqu'elle pointait du doigt les petits travers de chacune de nos héroïnes : Gabrielle trompe son mari et est prête à toutes les manigances pour ne pas que ce dernier le découvre, quitte à faire porter le chapeau à quelqu'un d'autre ; Lynette donne des somnifères à ses enfants afin qu'elle ait la paix ne serait-ce un petit moment et Bree espionne sans scrupule son mari et ses enfants pour s'assurer qu'ils restent dans le droit chemin.

Le tout dans une atmosphère finalement assez trouble presque malsaine. Il faut bien comprendre que le premier épisode s'ouvre sur la mort d'une de leurs voisines, Mary Alice Young. Accédant au rang de narratrice omnisciente, la défunte commente les actions de ses amies de Wisteria Lane. L'irrévérence de Desperate Housewives provient justement de cette mise en exergue de ce quotidien, de cette existence si futile. De cette manière, la série de Marc Cherry apportait un peu de fraîcheur avec son intrigue policière (quel secret a obligé Mary Alice à se suicider?) mêlée à d'autres plus sentimentales.  
 
 
Mais hélas, patatras, la seconde saison mit fin à tout ses espoirs. L'intrigue principale (le suicide de Mary Alice) est étirée plus qu'il n'en faut jusqu'à être reléguée dans le décor (pour tout dire, je ne me souviens même plus du dénouement) alors qu'elle aurait dû être la colonne vertébrale du show : la Mary Alice est toujours la narratrice omnisciente. On perçoit également une mécanique routinière avec l'arrivée de nouveaux voisins à chaque saison. Une manière de relancer l'atmosphère trouble après la résolution du fil conducteur sur la défunte de la première année. Peine perdue puisque l'on se désintéresse trop souvent de ces nouveaux venus. Le pire est sans doute l'enfermement des personnages dans leurs défauts, dévoilant leurs limites.

En fait, ce qui est flagrant, c'est bien l'intention des scénaristes à ne jamais vouloir dépasser le cadre de leur show. Au départ, Desperate Housewives était une série séduisante pour son potentiel à renouveler le genre appelé « soap opera ». Un genre communément défini par les feuilletons comme Les Feux de l'Amour et autres Amour, Gloire et Beauté. Ceux-ci sont caractérisés par des intrigues à rallonge et des rebondissements de plus en plus abracadabrants. Bon, n'étant pas moi-même spécialiste en la matière, j'ai cru comprendre que les Grey's Anatomy et même les teen shows comme Dawson pouvaient en faire partie, dans la mesure où les épisodes mettent en avant un fil rouge touchant à l'intime des personnages.
 
 
De ce fait, à partir de la seconde saison, on a assisté dans Desperate Housewives à une révision à la baisse des ambitions du show. Au lieu de donner un coup de fouet au soap, les scénaristes se contentent tout simplement d'en écrire un, et ceci même au dépens de tout cohérence interne. De cette manière, les personnages se retrouvent bloqués dans les mêmes cercles vicieux comportementaux sans que ceux-ci ne réalisent leur propre erreur : combien de temps mettrez vous à vous rendre compte que votre couple va mal parce que vous ne communiquez jamais avec votre conjoint ? Que vos proches s'éloignent de vous parce que vous vous ingérez dans la vie d'autrui sans que l'on vous demande votre avis ? Ou que vous donnez des leçons de morale que vous êtes incapables de suivre vous même ? Des défauts qui faisaient l'intérêt de la première année mais qui deviennent vite agaçant tant chaque personnage évite toute introspection. Nous les voyons traversez moult épreuves (perte d'emploi, découverte d'un tueur en série dans les environs, évolution de leur enfant...) sans que cela ne change en rien leur perception du monde ni leur relation avec autrui, se contentant de leur routine de simple commère du quartier.

La dernière saison aura au moins permis à Desperate Housewives de s'écarter de son train-train quotidien. Dans cette ultime cuvée (annoncée à l'avance, un vrai luxe soit dit en passant), on y voit le quatuor se mettre d'accord pour garder un secret afin de sauver l'une des leurs. En soi, ce fil rouge a le mérite de sortir la série de son cercle de confort, puisque le groupe vit une crise qui s'envenime. On aurait juste préféré que ce story-arc soit celui d'une des saisons antérieures et non de la dernière.
 
 
 
 
 
En somme, victime de son succès et piégé dans une formule, il est fort dommage que les aventures de Susan, Lynette, Gabrielle et Bree n'aient pas débouchée sur autre chose qu'un soap de plus. La première année augurait du meilleur, la déception n'en ait que plus grande, même si il est vrai que Desperate Housewives a su conserver un minimum d'efficacité dans son ton et dans sa forme. Agréable à regarder (et encore), mais trop sage dans son propos.
 
Photo credits : ABC
Desperate Housewives : les amours déçus
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N
Tu es dur ! Mais j&#39;avoue que je souscris aussi assez à ta théorie du visionnage pépère pour certaines séries...<br />Je trouve qu&#39;il y a quand même des évolutions et pas que télescopées. Mais souvent, on repart sur de l&#39;anecdotique ou alors on remet les compteurs à zéro avec la nouvelle saison, c&#39;est vrai.<br />Je trouve que la fin n&#39;était pas si mal en fait : pas si &quot;happy end&quot; que ça. Suzan reste pas mal dans sa mouise (il est dit qu&#39;elle sera celle qui les accumule...), le couple de Lynette s&#39;est certes remis mais la suite annoncée ne semble pas si rose, Gaby... euh,je sais plus... ah si ! Cliché un peu nullos de la nenette friquée qui continue de se friter avec son mec. Quant à l&#39;avenir de Bree, il me semble qu&#39;il faut le prendre à double sens : d&#39;une part, il y a le côté &quot;grosse blague&quot;, le truc énorme-rions entre nous. D&#39;autre part, je crois qu&#39;il y a un côté chez le créateur qui réaffirme malgré tout ce qu&#39;il a produit pendant ces 8 années, des valeurs très très tradi quand même...<br />En tous cas, excellent billet !!! Merci André :-)
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A
une série qui a séduit le monde entier malgré quelques lacunes!!!<br /><br /><br />Nico
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