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le cyborgien

Sans snobisme, entre voyage dans le temps et à travers les genres, le Cyborgien tente d'agrandir votre regard.

03 Jul

Justified : Règlement de compte au Kentucky

Publié par André COTE  - Catégories :  #cop show, #Justified, #FX, #Deadwood, #Elmore Leonard, #Walton Goggins, #Timothy Olyphant

 

 

 

L'univers des séries télé est divisé en deux catégories : il y a celles qui démarrent très fort pour s'écrouler aussi rapidement et celles qui galérent pendant leur première année pour monter en puissance par la suite.

 

 


Série de la chaîne FX, Justified a des saisons comptant chacune 13 épisodes, il est donc particulièrement frustrant de voir défiler les 6 premiers avec cette constance impression de « Ca commence quand ? » tant aucun enjeu dramatique, aucun fil rouge ne se dessine. Pourtant, ces 6 premiers segments sont loin d'être inutiles, ils permettent juste aux scénaristes et réalisateurs de trouver un ton particulier qui singularisera le feuilleton au sein de la production actuelle.  


Cette identité visuelle, Justified la trouve quelque part entre le polar crépusculaire et le western contemporain. En effet, dès l'introduction, l'ambiance et le ton répondent présent avec ce personnage de Marshall Raylan Givens (joué par Timothy Olyphant, impeccable), du genre stoïque et nonchalant (rien ne semble pouvoir l'atteindre), mais toujours prompt à dégainer et, de plus, est une fine gâchette. Avec son Stetson sur sa tête, il est pour beaucoup dans l'ambiance de « western décalé » qui ressort de l'ensemble. Comme si Olyphant ne s'était pas remis de l'arrêt de Deadwood, une autre série dans laquelle il jouait un shérif. Dès sa première scène, il semble débarqué d'un autre temps, comme s'il avait glissé à travers une faille spatio-temporelle quelconque. Une époque soit-disant révolue, dont la mise en scène paraît avoir conservé les codes : la démarche de Olyphant est bien mise en valeur dans le cadre, il se déplace lentement, mais est sûr de lui, tel un prédateur qui fond sur sa proie (ici, un suspect). En résulte cette impression que, s'il paraît venir d'un autre temps, c'est pourtant lui qui donne le ton.

 

 

 

 

L'interrogatoire qui va suivre va également démontrer ce qui sera l'un des points forts de Justified : la saveur des dialogues. Les plus attentifs auront noté que la série est une adaptation du roman « Fire In The Hole » de Elmore Leonard. L'auteur est un romancier très prolixe qui a inspiré bon nombre de cinéastes directement et indirectement. Directement en raison du nombre d'adaptations de son œuvre (Get Shorty de Barry Sonnenfied, Hors d'Atteinte de Steven Sodenberg ou encore Jackie Brown de Quentin Tarentino) et indirectement puisque les caractéristiques de l'écriture de Leonard se retrouvent dans la patte de quelques cinéastes, en particulier de Quentin Tarentino justement. Pour cette prédisposition au dialogue, le Pulp Fiction du réalisateur a marqué en raison de ses personnages jugés bavard. La vision de Justified permet ainsi de mieux cerner l'influence de l'auteur sur ce cinéaste.  


Aussi, on remarque une dimension tragi-comique dont même les personnages semblent avoir conscience. A travers les dialogues, tout le monde démontre une certaine lucidité sur sa propre situation et une capacité à sortir de bons mots qui font mouche. A ce titre, la nonchalance et la diction de Olyphant font des merveilles pour donner de l'impact à ses punchlines. Preuve en est, le caractère quelconque de bon nombre de ses répliques qui deviennent mémorables grâce à son seul jeu. Vous connaissez beaucoup d'acteurs qui parviennent à rendre hilarant un simple « Je ne sais pas » ?  

 

 

 

Néanmoins, ce que les premiers épisodes vont démontrer, c'est qu'une simple atmosphère ne suffit pas. Une série a besoin de personnages, d'un fil rouge, d'une histoire et le début de Justified peine à démarrer en raison de ces lacunes : voir Givens à la poursuite d'un nouveau fugitif, au bout de quelques épisodes, ça lasse, même si ceux-ci sont des visages familiers des téléspectateurs. Les fugitifs en question sont bien entendus des guest-stars, certains reconnaîtront parmi eux un certain Alan Ruck, connu pour la sitcom Spin City. En somme, l'ambiance est posée, Timothy Olyphant a déjà trouvé ses marques, mais l'ensemble tourne en rond très vite.  

 

Il faut attendre la moitié de cette première cuvée (soit 6 épisodes, la saison en comptant 13) pour voir l'arrivée des parents de Givens et son background se dessiner. Le retour de Boyd Crowder (incarné par Walton Goggins que les fans de The Shield connaissent déjà) vient entériner cette impression que la série passe maintenant à la vitesse supérieure : une galerie de personnages se construit, une histoire à suivre se peaufine, un univers se met en place. D'autant plus que les bureaux de Givens commencent à devenir un lieu récurrent où il côtoie ses collègues et son chef, ce qui contribue à augmenter la familiarité qui manquait tant à Justified. La série achève enfin de bâtir son cadre et l'on sait dorénavant quelle direction elle compte prendre. Une orientation claire qui permet de fidéliser le téléspectateur, celui-ci pouvant maintenant nourrir des attentes par rapport à la série et la suivre dans l'espoir qu'elles seront comblées.  

 

 

 


La saison suivante se permet ainsi de développer un story-arc plus solide et tendu : Givens se retrouve confronté à une famille de trafiquants. Les sous-intrigues se multiplient (Walton Goggins fait partie du casting des acteurs réguliers même si son personnage de Crowder croise moins souvent la route de Givens) qui viennent influer sur la principale. De ce fait, si notre Marshall est toujours le protagoniste centrale, il trouve du répondant parmi les personnages secondaires, ces derniers se voyant composer de plus en plus d'individus mémorables, même s'ils ne font que passer le temps d'un épisode.  

 

De plus, ce que les scénaristes n'oublient pas, c'est de conserver une écriture à plusieurs niveaux. Chaque épisode obéit à une structure close, son propre enjeu, la plupart du temps, ce sont les missions de Given (achevées dans les derniers actes), tout en élaborant plusieurs histoires parallèles narrées sur la saison afin de fidéliser un type de téléspectateurs. De la sorte, ceux qui regardent occasionnellement la série peuvent se satisfaire de l'aventure clôturée avant le générique de fin, tandis les autres cherchant une narration nécessitant plusieurs épisodes seront également rassasiés.  

 

 

 

La troisième saison en sera une preuve éclatante. On y voit l'arrivée d'un homme d'affaires, Robert Quarles, incarné par Neal McDonough, qui s'était déjà fait remarquer dans Boomtown. Ce dernier va tenter d'imposer sa loi sur la petite ville. Il se retrouve naturellement opposé non seulement à Givens mais surtout à Boyd Crowder et autres trafiquants du patelin. Un personnage plus inquiétant qu'il n'y paraît au premier abord.

 

Renouvelée pour une 4e saison, Justified s'affirme, tranquillement, comme l'une des meilleures surprises de la production actuelle. Et contrairement à ce que prétend son générique : non, la route n'a pas été si dure pour en arriver là.

 

Photo Credit : FX

Justified : Règlement de compte au Kentucky
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