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le cyborgien

Sans snobisme, entre voyage dans le temps et à travers les genres, le Cyborgien tente d'agrandir votre regard.

30 Nov

Mom : la sitcom sérieuse

Publié par COTE André  - Catégories :  #CBS, #sitcom, #Chuck Lorre, #Anna Faris, #Allison Janney

 

 

Alors, je dois bien avouer que je n'ai pas une culture sitcom très développé. Si j'ai vécu un ou deux phénomènes (Friends en tête), en revanche, je suis passé totalement à côté d'autres (How I Meet Your Mother, The Big Bang Theory, etc..), de telle manière que je ne me sens pas le mieux placé pour en parler. Me voici donc au pied du mur devant une des nouveautés de l'an dernier qui, ô surprise, commence déjà à trouver ses marques, Mom de Chuck Lorre.

 


 

La sitcom est sans doute le genre le plus fragile. Les épisodes durent 20 minutes, le tempo doit être impeccable dès le début (si le public ne rit pas au bout de 5 minutes, c'est qu'il y a un problème) et la caractérisation des personnages ne doit pas être ni outrée (pour sombrer dans la caricature) ni trop fade pour permettre aux situations de décoller. Si une telle série ne parvient pas à atteindre ses objectifs (faire rire) dès le pilote, l'annulation guette dès l'épisode suivant : chaque année, on compte par pack de dix les annulations de sitcoms. Devant une telle hécatombe, il est même étonnant qu'un groupe de soutien ne se soit pas formé. Je ne sais pas, une sorte de C.G.P.S. (Comité Général de Protection de la Sitcom) pour soutenir psychologiquement les auteurs et les acteurs.

Avec des titres comme Mon Oncle Charlie et The Big Bang Theory, Chuck Lorre est un peu devenu un spécialiste du genre. Ses détracteurs lui reprochent de toujours user des mêmes ficelles, en même temps, vu l'aspect hyper-codifié du format, on ne peut pas vraiment lui en tenir rigueur : la marge de manœuvre paraît tout de même très faible (ou alors, on peut dire que « Friends c'est nul... parce qu'ils arrivent toujours à s'installer dans le même canapé au Central Perk », vu que ledit canapé est un élément récurrent dans les sitcoms). Tout au plus, on peut reprocher à Chuck Lorre de profiter des modes : The Big Bang Theory fait partie des programmes à surfer sur la hype « geek », au même titre que la télé-réalité The Beauty and The Geek et Chuck, une série d'espionnage déjantée.

 


 

En revanche, ce que l'on peut lui accorder, c'est sa capacité à mettre en valeur le talent comique de ses acteurs. Bon, il a un peu tendance à se reposer sur des valeurs sûres (mettre en vedette Charlie Sheen pour une sitcom, quoi de plus naturel après avoir vu Hot Shot !) mais la plupart du temps, la drôlerie des personnages proviennent de leur réaction vis à vis des situations elles-mêmes tendues... ce qui est l'essence même de ce genre humoristique. En fait, si les personnages fonctionnent, c'est avant tout parce qu'ils sont inscrits dans un contexte dramatique particulièrement dure à gérer. Et Mom en est une parfaite illustration.

Effectivement, le point de départ de Mom n'a, à proprement parler, rien de drôle. On pourrait même se demander s'il n'y a pas eu erreur lorsque Chuck Lorre a proposé son idée (il voulait s'essayer au genre du drama, mais il n'a pas été pris au sérieux par la chaîne ?) tant que l'on peut s'interroger sur la manière avec laquelle il a présenté son projet. Non mais sérieusement, ça vous fait rire, vous, l'histoire d'une mère célibataire, ex-alcoolique, qui a du mal à élever seule ses enfants et qui apprend que sa fille aînée est sur la même pente qu'elle, vu que, encore au lycée, cette dernière se découvre enceinte ? À moins d'être cynique au dernier degré, je ne trouves pas ce postulat particulièrement amusant : c'est même le sujet de bon nombre de téléfilms dramatiques qui sert de bouches-trous dans les grilles de programmes télés l'après-midi.

 


 

Néanmoins, nous pouvons reconnaître deux choses. De un, les crises au sein des familles est un sujet souvent traité dans les sitcoms : déjà, dans Mon Oncle Charlie, c'est l'éclatement d'une famille qui contraint les personnages à cohabiter sous un même toit. De deux, c'est là que l'on constate l'importance du jeu des comédiens pour nous faire adhérer à ce postulat particulièrement lourd : l'exubérance de Anna Faris (Scary Movie, Sex List) trouve une légitimité dans le passif de son personnage névrosé et complexé, donc à elle de pouvoir rendre « drôle » son personnage de Christy, mère célibataire. De ce point de vue, si Anna Faris a déjà prouvé qu'elle avait les épaules solides pour nous faire rire à partir de situations poussives, la création de Chuck Lorre lui propose une vraie structure qui lui permet de mettre ses talents en valeur, non seulement grâce à l'enchaînement de situation mi-doux-amer mi rocambolesque, mais surtout en la mettant au sein d'une bande de comédien qui lui donne du répondant.

Ainsi, si dans Mon Oncle Charlie et The Big Bang Theory, nous ne sommes pas loin d'un simple prétexte pour réitérer une formule et réutiliser les mêmes ficelles, avec Mom, Chuck Lorre touche là un problème particulièrement épineux, voire tabou. J'ai beau cherché, je n'ai pas souvenir d'une autre série comique mettant en vedette des alcooliques repentis. D'ailleurs, c'est sans doute cette difficulté à trouver un bon angle qui produit un sentiment de flottement durant les premiers épisodes : on dirait que les scénaristes tâtonnent pour adapter leur postulat au format de la sitcom, et ce n'est pas une chose aisée, puisque bon nombre de situation peuvent inspirer le malaise.

 


 

Ceci peut expliquer pourquoi Mom se montre, de prime abord, est un brin poussif, mais quelques éléments surnagent. Le casting offre quelques pistes intéressantes au niveau des seconds rôles, comme la présence de French Stewart (3e Planète après le Soleil.. une sitcom hilarante que tout sériephile digne de ce nom se doit de connaître) en chef cuisinier, et surtout Allison Janney (CJ dans The West Wing) qui remporte tout les suffrages. C'est bien simple, si son personnage peut rappeler Sheldon de The Big Bang Theory, Allison Janney forme avec Anna Faris un duo décapant, l'une en névrosée et complexée, l'autre en mère ex-junkie narcissique.

De cette manière, une fois avoir trouvé le bon axe, Mom suit son chemin tranquillement et aligne les situations borderline et remplies d'humour noir. On pourrait dire que Mom fonctionne sur le créneau du « Le malheur des uns fait le bonheur des autres » pour expliquer pourquoi l'on rit des mésaventures de notre mère célibataire. Or, l'humour provient plutôt des efforts de Christy pour mener à bien sa barque. On craignait une faute de goût de la part de Chuck Lorre et, au final, il prouve que la comédie peut être un filtre pour parler de choses sérieuses. Damned, je m'y attendais pas.

 

Photo Credits : CBS

Mom : la sitcom sérieuse
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